Par Shafick Osman
(Ontario, Canada)
Mouslim Mahomed Osman, Angleterre, 1962. Source : archives d'Amin Osman. |
Il aurait préféré probablement que nous écrivions cet hommage en anglais, britannique qu’il était, mais nous nous sentons bien plus à l’aise en français (canadien) pour cette écriture.
C’est une figure incontournable de notre famille, il habitait loin, très loin, à Londres, et quand on parlait de Chacha Mouslim, il y avait une part de rêverie, car loin de l’âge de l’Internet, c’était un mystère, quelque chose de flou quand notre mère nous racontait cet oncle paternel devenu vite une icône dans ma mémoire. Le mystère s’épaississait quand maman nous parlait, dans les détails, d’Aslam, son fils aîné, et de Chachi Amina, son épouse. Mais une chose est certaine : la famille de Chacha Mouslim était proche de notre maman et de notre père, donc de nous! C’était le grand frère de mon père, un peu son mentor à bien des égards, et ma mère, habitant Londres pour quelques mois en ma compagnie en 1970, était devenue proche de Chachi Amina. Et comme Aslam est plus âgé que moi d’une année, c’était automatiquement mon référent de l’époque, malgré moi, car j’étais trop jeune pour en choisir un!
Chacha Mouslim lisait beaucoup la presse britannique et il s’intéressait de près à l’actualité internationale et une de nos tantes nous a déjà fait la remarque que nous l’avons « suivi » sur ce plan.
Il n’y a pas une personne que nous connaissons qui ne définit pas Chacha Mouslim comme une personnalité des plus amusantes, avec un air jovial quasi permanent et comme on le disait chez nous, en créole mauricien, un « farceur ». Il avait six ans de plus que notre père mais ils s’entendaient à merveille. C’étaient deux compères, en vérité. Même physiquement, ils se ressemblaient, mais notre père était bien plus technocrate que Chacha Mouslim qui, lui, était plus littéraire que scientifique. C’est sur les conseils de ce dernier, par ailleurs, que notre père décida de ne pas partir à Calgary, au Canada, mais d’aller plutôt dans la région de Toronto, en 1970, car, selon Chacha Mouslim, Calgary était bien trop loin, au nord, alors qu’à Burlington, proche de Toronto, il connaissait une Mauricienne (mariée à un Allemand) qui pouvait accueillir son petit frère. Et notre père, tout en ayant son billet pour Calgary en mains, décida de rester à Burlington. C’est dire l’influence de Chacha Mouslim sur lui!
Tonn swiv li
Chacha Mouslim lisait beaucoup la presse britannique et il s’intéressait de près à l’actualité internationale et une de nos tantes nous a déjà fait la remarque que nous l’avons « suivi » sur ce plan. Il avait une opinion diamétralement opposée à la nôtre sur la question palestinienne et il était aussi très britannique dans son approche, suivant de près les débats à la Chambre des Communes en Angleterre. Et c’est lui, Chacha Mouslim, qui nous avait appris que son frère, Sir Abdool Raman Osman, avait dirigé un « journal » (une revue, en réalité) et il finit, un jour, par nous dire, « tonn swiv li » (tu l’as « suivi »). Quand il était à Maurice, Chacha Mouslim prenait plaisir à lire la presse locale avec le ton sérieux qu’on le connaît quand il parcourt les journaux, une attitude en contradiction avec son humeur jovial et décontracté de tous les jours.
Chacha Mouslim était un grand organisateur et un « multiculturel » aussi. Il avait quitté Maurice bien avant l’indépendance et il était devenu, à Londres, organisateur de vols affrétés de Plaisance. Ce qui fut de lui un homme connu des milieux de l’immigration et des familles mauriciennes fraîchement débarquées en Angleterre car il maîtrisait tout le « système » : aides sociales, crèches, logements, premiers emplois, etc. Il était dans son élément à Londres et comme un Osman qui porte bien son nom, il était rigoureux et à cheval sur les détails…
Il y a une dizaine d’années de cela, lors d’une de nos visites à Londres, nous nous sommes rendus chez lui et réflexe franco-français ou peut-être comme un petit-fils aurait vu son grand-père, nous lui fîmes la bise tout naturellement, et il rigola en laissant échapper, « premie fwa enn zom anbrass mwa » (c'est la première fois qu'un homme m'embrasse), avec un grand rire comme à son habitude.
C’était Chacha Mouslim! Parti, aujourd’hui 2 janvier, à l’âge de 91 ans, il restera une icône de la famille, mon icône à moi. Que Dieu, le Créateur, pardonne tous ses péchés, que Dieu le protège dans l’au-delà, et que Dieu nous réunisse au summum du Paradis dans l’autre monde! Amen!
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An English version of that tribute is available at Chacha Mouslim: a Dieu!
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