Friday, 13 December 2019

Agaléga et quelques vérités bonnes à rappeler

Week-End, 13 avril 2008


 

Actualité commentée


Agaléga et quelques vérités bonnes à rappeler



Hervé Aimé, l'ex-député travailliste de Savanne - Rivière Noire, recasé depuis les élections générales comme Chairman de l'Outer Islands Development Corporation

( OIDC ) a peut-être émis un commentaire de nature historique, cette semaine. C'était mercredi dernier lors de la remise symbolique de lettres d'intention à 59 familles agaléennes qui deviendront dans la petite île les premiers propriétaires à bail de terrains sur lesquels leurs maisons ont été construites. "Nou pé koze la grande famille mauricienne. Nou nou oulé ogmante le bonheur intérieur brut parseki pou nou sé la personne humaine qui compter", a-t-il déclaré, en ajoutant également, qu'avec une plus grande mobilité à venir entre le mainland Mauritius et Agaléga, "cette petite île jusqu'ici fermée sera ouverte aux Mauriciens qui souhaiteraient y passer des vacances". C'est sublime !

Vingt-cinq familles agaléennes avaient fait spécialement le déplacement à Maurice pour participer à la cérémonie de remise des documents officiée par nul autre que le Premier ministre, Navin Ramgoolam lui-même, en présence du ministre du Logement et des terres et député de la circonscription, M. Asraf Dulull .

En parlant de bonheur, M. Aimé ne pouvait si bien dire. Effectivement, si la démarche gouvernementale a été, évidemment, très bien accueillie personne n'a, toutefois, oublié que l'accès au logement social et à la propriété de la terre, même partiellement, étaient des revendications majeures de très longue date formulées par la petite communauté outremerienne. Cette avancée démocratique et légitime, ainsi que le droit de lancer de petites entreprise d'éco-tourisme, de production et de services, figurait d'ailleurs en première place dans un cahier de doléances qu'avait remis au gouvernement, en décembre 2006, un comité de soutien composé du vicaire-général du diocèse de Port-Louis, Jean-Maurice Labour, Jack Bizlall et Laval Soopramanien (Président de l'Association des Amis d'Agaléga) après une mission de constat des conditions prévalant dans les deux petite îles d'Agaléga.

Le Premier ministre s'est tapé l'estomac, mercredi, en vantant les mérites de son gouvernement d'avoir permis aux Agaléens d'accéder, enfin, à la propriété foncière, mais personne n'a non plus oublié comment Navin Ramgoolam avait choqué son monde quand interpellé au Parlement au sujet des doléances véhiculées par le trio Labour-Bizlall-Sopramanien, il avait répondu qu'il n'entendait pas se laisser dicter par "every Tom, Dick and Harry". Ce commentaire blessant avait valu à Navin Ramgoolam une réplique non moins historique de la part de Bizlall lors d'un forum public au Centre Marie Reine de la Paix. La décence nous interdit de reproduire la réponse de Jack Bizlall, mais Navin Ramgoolam l'avait, ce jour-là, bien cherché...

Mais, à celui qui sait rectifier le tir, tout, ou presque, est pardonné. Le Premier ministre a eu effectivement de très bonnes nouvelles pour nos compatriotes Agaléens, mercredi dernier, avec de réels projets de développement qui devraient aider à sortir leurs deux îles d'Agaléga de leur insupportable isolement. Le Premier ministre a, entre autres, annoncé l'annulation du bail d'occupation de 235 arpents de terres attribués à une société coopérative mauricienne qui devait se lancer dans la culture d'oignons, de pommes de terre et autres agrumes. Les terres ainsi libérées seront cultivées par les résidents eux-mêmes pour leurs propres besoins alimentaires. De plus, en sus d'un collège qui dispensera de l'Education jusqu'au niveau de la forme III, évitant ainsi le déplacement des étudiants concernés vers Maurice, le gouvernement utilisera une ligne de crédit indienne pour améliorer la piste d'atterrissage et pour reconstruire le petit port de St. James, situé dans l'île du Nord.

En attendant que ces projets, pour lesquels promesses avaient été faites d'une visite de Navin Ramgoolam durant son premier mandat à la tête du gouvernement en 1998, se réalisent enfin, selon M. Hervé Aimée, le bateau qui quitte Port-Louis dès aujourd'hui pour ravitailler Agaléga emmène une équipe de la compagnie Emtel qui va installer quelques trois cents lignes de téléphone liées à l'internet. Le bateau transporte également une antenne qui devra permettre à chaque famille de recevoir les émissions de la MBC-Tv en sus des chaînes étrangères ( ndlr ; les Agaléens reçoivent depuis belle lurette plus facilement une trentaine de chaînes étrangères et ce plus facilement que celles de la MBC-Tv elle-même ).

Vantardise inappropriée


Mais, pour clore ce chapitre sur Agaléga, il y a deux autres faits qu'on ne saurait ne pas rappeler au Premier ministre :d'abord, sa vantardise quand il insiste que c'est lui qui a accordé le droit de vote aux Agaléens à partir de l'an 2000. Non seulement, Navin Ramgoolam veut faire accroire que c'est un privilège qu'il a, personnellement, accordé aux Agaléens alors que c'est un droit, en plus, il envoie une grosse pierre dans le jardin de son propre père. Même si c'est parfaitement vrai de souligner que durant ses treize années à la tête du pays avec ses multiples gouvernements - soutenu , à tour de rôle,tant par le Parti travailliste que par le MMM - Sir Anerood Jugnauth n'avait rien fait dans ce sens, la vérité historique demeure que ce sont d'abord les Anglais, jadis nos maîtres coloniaux, qui avaient méprisé la Convention européenne des Droits de l'homme qui les dictaient pourtant, depuis 1948, de mettre sur un même pied d'égalité tous les citoyens de leurs colonies qu'importait leur nombre - y compris donc Agaléga, Rodrigues et les Chagos - en leur permettant de voter aux élections. Ensuite, entre 1961, alors qu'il était devenu Chief Minister d'une île Maurice autonome et 1982 alors qu'il était, entre-temps seul maître à bord de l'île Maurice indépendante, Sir Seewoosagur Ramgoolam, le "Père de la Nation", ne se soucia pas le moindrement du droit démocratique des Agaléens à faire entendre aussi leur voix.

Des centres de refuge dus depuis... 1998 !


Ensuite, le Premier ministre a annoncé que, en raison de l'exposition d'Agaléga à la montée des eaux de la mer et aux tsunamis (les deux îles culminent à seulement 7 mètres), deux centres de refuge d'une hauteur de 30 mètres chacun seront construits pour la protection des résidents. Modestement, nous voudrions rappeler que c'est Week-End, dont un représentant avait accompagné Navin Ramgoolam à Agaléga en 1998 à bord d'un Transall français, qui avait fait ressortir la nécessité de ces centres de refuge construits en hauteur, dès le lendemain de son retour à Maurice en rappelant que lors du passage du cyclone Andry, vers la fin des années 80, Agaléga avait été dangereusement submergée. C'était bien longtemps avant le tsunami du 25 décembre 2004 ! Il est extrêmement malheureux que l'éphémère ancien ministre des Affaires maritimes et du Transport Extérieur, Pritviraj Putten, éliminé politiquement par son propre parti le MSM, n'avait pu concrétiser ce projet qui fut d'ailleurs largement débattu lors d'un atelier de travail organisé en mars 2005 par le Mauritius Research Council à Rose-Hill. Il y a des vérités qui sont encore toujours bonnes à dire. Ces centres de refuge en hauteur aurait dû, en fait, être la priorité des priorités en ce qui concerne la sécurité même de la population d'Agaléga...

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