Saturday, 21 December 2019

Recherche : des éponges médicinales existent dans les mers mauriciennes

Week-End, 8 juin 2008



Recherche : des éponges médicinales existent dans les mers mauriciennes


Depuis 2004, l'Institut Océanographique de Maurice (IOM) a initié des recherches en collaboration avec l'Université de Maurice, l'Université d'Amsterdam et le Centre National de Recherches Scientifiques (CNRS) à Gif sur Yvette, à Paris, sur les éponges se trouvant dans les eaux mauriciennes. Ces recherches ont jusqu'ici démontré que des possibilités existent que les eaux mauriciennes possèdent des spécimens qui pourraient fournir des médicaments au monde entier.

Le projet de recherches avait démarré avec la préparation d'une liste des sites de plongés avec l'aide des directeurs des centres de plongés de l'île pour touristes intéressés à voir des espèces de poissons ou des coraux rares. Avec le temps, les chercheurs ont commencé à récolter des éponges intéressantes du point de vue scientifique. Les fragments des éponges une fois retirés de l'eau ont été préservés dans du formol avant d'être expédiés vers des centres spécialisés européens à des fins d'identification taxonomique. A ce jour, une centaine d'espèces d'éponges a été récoltée de nos eaux à des profondeurs variant entre sept et trente-six mètres, dont une soixantaine ont été taxonomiquement identifiées. Les recherches bibliographiques ont indiqué que dix-huit de ceux qui ont été identifiés, n'ont jamais fait l'objet des recherches scientifiques dans le monde. Huit extraits de ces éponges ont été testés sur les cellules cancéreuses au CNRS. Un des extraits a démontré une activité très forte sur ces cellules cancéreuses. Quatre molécules nouvelles ont été isolées et identifiées d'une autre éponge mauricienne. Selon le Dr. Daniel Marie, responsable de projet à l'Institut océanographique de Maurice, les perspectives de produire des molécules intéressantes d'un point de vue pharmaceutique seraient réelles.

Le Dr Marie parle avec passion des recherches entreprises. La nature, affirme-t-il, a toujours été source traditionnelle des substances utilisées dans la médecine. Depuis plus de 3 000 ans, des sociétés anciennes ont compris qu'elles sont entourées d'une source riche de plantes pouvant possiblement traiter des infections ordinaires, des inflammations, l'arthrite, le cancer et d'autres maladies humaines. Pourtant, ce n'est pas avant les années 1800 que les premières substances recelant des activités biologiques sur les humains ont été isolées : parmi elles, on compte la morphine et l'aspirine. Depuis, nombre de médicaments de source naturelle ont vu le jour et en 1998 une publication chiffrait à 20 le nombre de meilleurs médicaments qui en sont issus. Cependant, malgré la richesse de la diversité de la vie sur terre, les océans demeurent le centre de biodiversité globale le plus prolifique avec 34 des 36 groupes de formes de vie jusqu'ici connues appelées scientifiquement phyla. La biodiversité sur terre, par comparaison, ne recèle, à ce stade, que 17 phyla seulement. Ce qui fait que les chercheurs se tournent vers les riches écosystèmes des océans pour trouver des substances pour nous soulager de nos maux quotidiens.

"Les chercheurs se tournent vers les riches écosystèmes des océans pour trouver des substances pour nous soulager de nos maux quotidiens"

Le Dr Marie fait toutefois remarquer que la récolte des organismes dans le milieu marin est encore très difficile parce que l'homme en a une connaissance encore limitée comparée à sa maîtrise de plusieurs milliers d'espèces terrestres déjà exploitées dans le domaine médical. Malgré cela, la mer a donné quelques médicaments dont l'efficacité ne s'est jamais démentie, notamment un antivirale actif contre l'herpès et le zona, la Vidarabine R, un antileucémique encore très utilisé aujourd'hui, la Cytarabine R, et surtout un antibiotique, la céphalosporine C, qui engendra par la suite l'ensemble de la vaste famille des céphalosporines.

La Céphalosporine C a un spectre d'activité différent et complémentaire de celui de la pénicilline, en sorte qu'elle s'imposait dans les maladies résistant précisément à cet antibiotique, comme la typhoïde. La céphalosporine C ainsi qu'une trentaine de ses dérivés sont toujours très utilisés, en particulier dans les hôpitaux. Dans les années quatre-vingt-dix d'autres chercheurs ont découvert une molécule, la dolastatine 10, issue d'un mollusque communément appelé le lièvre de mer et qui montrait des activités intéressantes contre les cellules cancéreuses de la prostate. La dolastatine 10 été cliniquement testée jusqu'en phase deux où il a été conclu que son activité n'est pas aussi importante chez l'homme. Cependant, il n'y pas mal de dérivés de la dolastatine qui subit maintenant différents phases d'essais cliniques. Et même si la première molécule isolée n'a pas donné satisfaction, l'espoir qu'on pourrait y retirer des médicaments anticancéreux dans un avenir proche subsiste. Or, le lièvre de mer a été récolté la première fois à l'île Maurice avant d'être expédié vers les États-Unis à des fins d'analyses plus poussées.

Depuis, selon le Dr Marie, pas moins de dix milles substances marines ont été isolées et identifiées ; parmi lesquelles il y a plusieurs qui sont en différentes phases d'essais cliniques. Malgré les difficultés existantes, dont l'absence des pistes ethnopharmacologiques concernant des plantes marines utilisées traditionnellement, à travers le monde de grands laboratoires pharmaceutiques se sont dotés de départements de biologie et chimie marine pour continuer à rechercher sur leurs vertus.

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