L'Express dimanche, 6 juillet 2008
ÉNERGIE - Je vends de l’électricité au CEB ! (par Azhagan Chenganna)
En milieu de semaine prochaine, le ministère des Services publics annoncera tout un arsenal de mesures dans le cadre du programme « Maurice, île durable ». Parmi les points forts de cette conférence de presse figurera en bonne place l’idée d’encourager les Mauriciens à devenir des Small Independent Power Producers (SIPP), à savoir, produire leur propre électricité à travers l’énergie éolienne domestique ou le solaire. Mieux : selon les arrangements, le surplus d’électricité produit chez soi pourra être revendu au Central Electricity Board (CEB) ! « On finalise en ce moment quelques détails techniques », indique-t-on dans les milieux officiels, et on assure que de nombreux Mauriciens se laisseront séduire par l’idée. Entre-temps, le chef ingénieur du CEB, Chavan Dabeedin, donne un aperçu des six étapes que les particuliersvont devoir franchir quand le projet sera au point. Avec à la clef, la possibilité pour les consommateurs de réduire le montant de leur facture d’électricité. À l’exemple de Sylvio Chiara, qui habite Petit-Raffray dans le Nord, et qui non seulement produit une partie de sa propre énergie mais qui, dans un avenir proche, pourra revendre de l’électricité au CEB. Voici les six étapes à suivre…
Sylvio Chiara, qui habite à Petit-Raffray, produit sa propre électricité grâce à des panneaux photovoltaÏques (source : L'Express dimanche, 6 juillet 2008) |
1. Contacter le CEB
D’ici début 2009, le CEB mettra à la disposition du public un grid-code. De quoi s’agit-il ? Le grid-code, c’est la bible des clients qui souhaitent produire et vendre de l’électricité. Il décrit les paramètres techniques (types de câbles, modèles de disjoncteurs, etc.), établit les check-lists et le prix auquel le CEB achètera de l’électricité auprès des producteurs individuels. À titre indicatif, les Independent Power Producers (IPP) disposent déjà d’un grid-code qui régit les termes des échanges entre eux et le CEB. Si les IPP produisent à grande échelle, un petit producteur d’électricité, aura lui, une capacité d’environ 10 kilowatts. « Un grid-code pour les Small Independent Power Producers est en cours d’élaboration. Un appel d’offres a été lancé dans ce sens, et une fois qu’un consultant sera recruté, il aura à statuer sur les tarifs et définir les aspects techniques », indique-t-on dans le milieu du CEB.
2. Acheter le matériel
Il faut savoir que, pour l’instant, investir dans une éolienne coûte moins cher qu’installer des panneaux photovoltaïques. D’autant que des unités d’assemblage des éoliennes seront en opération à Maurice (Voir ci-dessous). Un kilowatt d’énergie éolienne peut coûter Rs 80 000 alors que l’énergie photovoltaïque peut, elle, revenir à Rs 200 000 le kilowatt.
À titre d’exemple, une maison moderne consomme en moyenne 3,5 kilowatts d’électricité. Or, pour produire un kilowatt d’énergie solaire, il faut que 13 mètres carrés, soit l’équivalent de la surface d’une chambre, soient recouverts de panneaux photovoltaïques. Le petit producteur voudra, sans doute, opter pour l’installation éolienne, qui coûte moins. « Dans les deux cas, il y a un investissement de départ qui est important. Mais il faut savoir que d’année en année le prix des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est en baisse. Et il faut compter 20 à 25 ans de durée de vie », note Chavan Dabeedin. Quid de l’esthétique ? « À la Réunion, ils ont mis au point des réglementations d’urbanisme et d’architecture pour ceux qui souhaitent construire de nouvelles maisons dotées de ces systèmes. C’est dans cette direction que Maurice pourrait aller », répond-il.
3. Verrouiller la sécurité
Une fois que l’éolienne est installée, les techniciens du CEB viendront s’assurer de la sécurité et de la qualité de l’électricité produite. Lorsque la sûreté de l’infrastructure est garantie, le client signera un contrat d’entente avec le CEB. « Il ne faudrait pas que le voisin soit affecté par cela. Par ailleurs, l’énergie produite par l’éolienne ne doit pas créer de fluctuation sur le réseau électrique. Nous voulons promouvoir un système souple et facile à mettre en place pour qu’une majorité des 330 000 clients du CEB puisse passer à l’éolien et au solaire », soutient le chef ingénieur de l’opérateur national.
4. Faire tourner les compteurs à deux voies
D’ores et déjà, les clients résidentiels réunionnais génèrent quotidiennement 5 mégawatts d’énergie éolienne et solaire sur le réseau d’EDF – soit l’équivalent de ce que consomme Rodrigues en moyenne.
À Maurice, le CEB introduira un compteur à deux voies car la clientèle utilisera à la fois l’électricité du CEB et sa propre énergie sur le réseau. « Si à la fin du mois, le meter reader trouve que le compteur du client est positif, ce dernier aura à payer le CEB. Mais si l’affichage est négatif, c’est le CEB qui paiera. Dès que l’électricité est générée, le compteur tournera à l’envers », souligne Chavan Dabeedin. Et d’ajouter qu’en « heure de pointe, le client sera autosuffisant et à d’autres heures, il pourrait revendre au CEB. Bref, il lui sera possible d’arrêter de payer son électricité, voire même d’être payé par le CEB ! ».
5. Fixer solidement en période cyclonique
Pour ce qui est des cyclones, il faut s’assurer que le système photovoltaïque est bien boulonné sur le toit. Dans le cas de l’éolienne, qui fait trois mètres de haut, le client doit vérifier qu’elle comporte un système de bascule et qu’elle peut être mise à plat,
tout en assurant la sécurité. « En période cyclonique, le réseau du CEB est off. Or, si le client est en train de produire, il y a le risque que notre technicien soit électrocuté. Tout cela a été pris en compte pour veiller à la sécurité », déclare Chavan Dabeedin.
6. Gagner sur tous les plans
À la clef, le consommateur qui aura installé l’éolien ou le solaire pour produire son électricité sera en mesure de réduire sa facture voire d’en tirer des bénéfices. Idem s’il décide d’acheter une voiture hybride. Il chargera lui-même sa voiture à partir de l’électricité qu’il aurait fabriquée.
« Pour ce qui est du CEB, il est vrai que nous perdrons une partie de nos ventes. Mais c’est le pays tout entier qui réduira sa dépendance sur les énergies fossiles.
D’ici 2018, il faudrait que 65 % de notre production d’énergie soit renouvelable. Et avec le prix du pétrole en hausse, c’est logique que le CEB ne pourra pas garder le même tarif. Alors, le consommateur investira automatiquement dans l’éolienne », conclut Chavan Dabeedin.
Autant en emporte l’éolienne…
Laurent Mamet (source : L'Express dimanche, 6 juillet 2008) |
Laurent Mamet (photo), directeur de la compagnie ECO, se lancera dans l’assemblage et la vente d’éoliennes. « D’ici deux mois, nous allons commencer à mettre sur le marché des éoliennes domestiques et industrielles », déclare-t-il. Pour développer l’expertise technique de son entreprise, il compte sur son partenaire sud-africain. « Nous avons un partenariat avec le groupe Kestrel et grâce à cela, nous pourrons assembler des éoliennes ici », note-t-il.
Quid de l’intérêt des Mauriciens ? À en croire Laurent Mamet, nos compatriotes seraient très intéressés. « Les études montrent que les gens sont très intéressés par cette technologie. Avant même de démarrer nos activités, nous avons déjà reçu des expressions d’intérêt et c’est un marché prometteur », confie-t-il. Laurent Mamet dispose d’une formation technique et se lancer dans l’assemblage d’éoliennes est pour lui une belle manière d’entreprendre. « Pouvoir faire du business en intégrant l’environnement c’est joindre l’utile à l’agréable. »
Abu Kasenally, ministre des Services publics :
« Nous posons les jalons de l’île Maurice de demain »
Abu Kasenally, ministre des Services publics (source : L'Express dimanche, 6 juillet 2008) |
Le gouvernement pense que d’ici peu, les particuliers pourront fabriquer de l’électricité chez eux et la revendre au CEB. Quelles sont les modalités de ce projet et quelles en sont les limites ?
Les modalités de ce projet seront comme stipulées dans le budget. Cependant, on est encore à quelques mois du mode d’opération final. Nous étudions donc les possibilités pour que le système proposé respecte le réseau du CEB et les normes techniques et de sécurité.
Selon un rapport anglais, les Small IPP peuvent produire suffisamment d’électricité pour que la construction de cinq centrales nucléaires ne soit pas requise en Angleterre, et ce, rien qu’avec l’énergie solaire. Si nous appliquons le même raisonnement à Maurice, nous pourrions aller très loin dans le long terme. Dans les court et moyen termes, ce que nous faisons, c’est surtout poser les jalons pour l’île Maurice de demain.
Comment est-ce qu’un Mauricien peut devenir vendeur d’électricité ?
Il devra s’acheter des panneaux solaires ou des petites éoliennes et les installer chez lui. Quant aux investissements, tout sera une question d’envergure. Par exemple, pour les petites éoliennes, les fabricants estiment que lorsque la production de masse dé-marrera, cela coûtera en moyenne, pour 1 à1,5 kW installé, environ entre Rs 60 000 et Rs 75 000 le kW.
Et ce projet de fabrication d’électricité bénéficiera-t-il d’incitations fiscales ?
Les incitations fiscales ont été mentionnées dans le budget. Il faut donc s’attendre à ce que le gouvernement fasse tout son possible pour démarrer ce secteur. L’apport des bailleurs de fonds sera aussi important.
Dans quelle mesure la fabrication d’électricité chez soi sera-t-elle bénéfique ? Et quel impact cela aura-t-il sur la crise énergétique ?
La fabrication d’électricité chez soi sera bénéfique car elle nous permettra de diminuer notre dépendance sur les centrales. De plus, nous réduirons nos émissions de gaz à effet de serre.
En fait, c’est le début d’une ère ou le pétrole bon marché n’est plus disponible. L’énergie, on en a toujours. Il suffit de savoir où en trouver. L’important, c’est qu’on ait de l’électricité à un prix abordable et que cela permette le développement durable du pays.
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